ITIL : renaissance ou dernier soupir?
ITIL, le référentiel phare en matière de gestion des services informatiques commence à prendre de l’âge. Aucune évolution notable n’a été publiée depuis 2011. Et encore, la version 2011 n’était elle-même qu’une révision cosmétique (en anglais « refresh ») de la version ITIL V3 publiée en 2007. Cela fait donc dix ans que rien de vraiment nouveau n’a été publié. A l’occasion du salon ITSMF Fusion 2017, AXELOS a levé le voile sur l’avenir d’ITIL en 2018.
On peut comprendre qu’une méthodologie n’évolue pas beaucoup. Mais justement le problème d’ITIL c’est qu’il ne s’agit aucunement d’une méthodologie. ITIL est un cadre de bonnes pratiques pour améliorer les services informatiques délivrés aux métiers. Or, durant ces dix dernières années, les Entreprises et leurs métiers ont subi une transformation radicale. Il est donc clair que leurs besoins de services informatiques ont également énormément changé. Les attentes des affaires sont très différentes aujourd’hui de ce qu’elles étaient il y a dix ans. Les risques auxquels tout service TI est exposé ont également évolué. L’environnement technologique a subi un bouleversement encore jamais vu auparavant.
L’annonce faite par AXELOS
Selon AXELOS, propriétaire du référentiel, ITIL® est «l’approche la plus largement utilisée pour la gestion des services informatiques dans le monde». La société indique qu’il existe des millions de praticiens d’ITIL dans le monde. Elle indique également que le référentiel est utilisé par la majorité des grandes organisations pour gérer leurs opérations informatiques.
Il aurait donc été naturel que l’annonce d’une mise à jour d’ITIL suscite de nombreux commentaires. Cependant, comme vous l’avez sûrement constaté, tant la presse que les réseaux sociaux ne s’y sont guère intéressés.
La raison de ce manque d’intérêt est la raison même pour laquelle AXELOS veut faire cette mise à jour. ITIL a désormais atteint un point de non pertinence dans un monde économique dynamique et agile. L’environnement économique est aujourd’hui très différent de celui dans lequel ITIL a été développé.
De nouveaux modèles d’architecture, de nouvelles approches de management et, plus généralement, la transformation numérique des organisations ont relégué ITIL au stade de relique du passé.
Pourtant, des investissements substantiels ont été réalisés par nombre d’organisations dans le monde. Il s’agit notamment de la certification de leurs collaborateurs. Le grand nombre de fournisseurs de technologie qui ont vu le jour autour de ce framework et le vaste réseau de consultants et de sociétés de formation qui ont bâti leurs offres autour d’ITIL suggèrent que ce référentiel ne disparaîtra pas tranquillement du jour au lendemain.
Mais cette mise à jour annoncée sera-t-elle suffisante pour une renaissance d’ITIL en 2018? Ou marquera-t-elle son dernier soupir?
ITIL est-il en core pertinent dans un monde qui change?
Lors de l’annonce faite à ITSMF Fusion 2017, Margo Leach, Chef de produit chez AXELOS a admis la nécessité de faire évoluer ITIL pour pouvoir s’aligner sur un monde en pleine évolution tout en revendiquant sa pertinence au jour d’aujourd’hui.
« Les principes fondamentaux d’ITIL sont valables et restent essentiels pour permettre aux entreprises de se transformer et d’évoluer », a déclaré M. Leach. « Mais nous devons ajouter un élément supplémentaire au cœur d’TIL: la rapidité de mise sur le marché et l’agilité, c’est-à-dire la capacité d’une entreprise à répondre aux menaces commerciales, aux demandes et aux opportunités du marché. »
AXELOS a également reconnu que d’autres approches, (DevOps, …) traitent déjà de ces problèmes. « Le nouvel ITIL doit inclure des conseils pratiques et explicites sur la façon d’intégrer les principes des nouvelles méthodes de travail contemporaines« , a déclaré Margo Leach.
L’évolution rapide des technologies basées sur le cloud, les nouvelles approches telles que DevOps et l’enracinement des méthodologies agiles ont remis en question bon nombre de méthodes, apparemment rigides et bureaucratiques, souvent associées à ITIL.
En conséquence, et en dépit de leurs investissements importants dans le référentiel sous la forme de formation et d’outils, de nombreuses Organisations mettent maintenant l’accent sur la nécessité d’investissement futur sur de nouveaux cadres plus pertinents.
Alors n’est-il pas trop tard pour un nouvel ITIL?
La mise à jour d’ITIL ne devrait donc pas surprendre. Même si l’éditeur a affirmé il y a plusieurs années qu’il n’y aurait plus d’autres mises à jour. Néanmoins, le manque de pertinence perçu s’est également traduit par la perte de position dominante comme en témoigne l’arrivée d’une approche de gestion de service et d’un programme de certification concurrents, appelé VeriSM.
VeriSM prétend également représenter une approche moderne de «Gestion des services pour l’ère numérique». Le nombre de leaders de l’industrie et d’organisations qui le soutiennent est éloquent. A tout le moins, c’est la reconnaissance évidente par l’industrie que le domaine traditionnel de la gestion des services est en train de perdre son sens original et risque de ne plus être pertinent.
La transformation digitale entraîne un changement d’orientation
Ce que je crains, c’est que la prochaine mise à jour ITIL et la nouvelle approche VeriSM passent à côté de ce qui se passe réellement. A mon sens, la transformation numérique ne concerne pas vraiment la technologie ni son utilisation particulière. Il s’agit de la transformation des modèles d’affaires et d’opérations. Cela se traduit par un transfert fondamental de pouvoir de l’Entreprise vers le Client. En d’autres termes il ne s’agit pas d’une transformation technologique. Il s’agit plutôt d’une transformation de la société.
En tant que tel, le paradigme organisationnel de l’organisation doit passer de l’optimisation et de l’efficacité à l’expérience client et à facilitation pour l’utilisateur tout au long de son parcours. Le problème est que l’accent principal, tant pour ITIL que pour la gestion des services au sein des organisations, est entièrement basé sur l’efficacité et l’optimisation des opérations (informatiques ou autres).
De plus, les adoptions de la gestion des services TI sont largement basées sur des processus linéaires. A l’opposé, le monde libre-service et centré sur le client crée une abondance d’interactions client asynchrones et asymétriques avec l’organisation et la technologie qui doit les supporter.
Le résultat net est un cadre de bonnes pratiques de plus en plus déconnecté des besoins réels des Entreprises qu’il soutient. C’est d’ailleurs aussi le cas pour un secteur industriel tout entier.
Y a-t-il un avenir pour ITIL?
Je rencontre quotidiennement des dirigeants d’entreprises et des DSI. Nous discutons des défis auxquels ils sont confrontés et des stratégies qu’ils utilisent pour y répondre. L’accent est alors systématiquement mis sur l’efficacité et l’optimisation. Ce sont là les facteurs de valeur traditionnels de la gestion des services informatiques (ITSM).
Mais la priorité est aujourd’hui ailleurs. C’est l’agilité, l’adaptabilité et l’amélioration de l’expérience client qui sont la clé des affaires en 2018. L’objectif pour toute Organisation est de créer un avantage compétitif sur le marché. Ce sont là des moteurs qu’AXELOS a correctement identifiés. L’efficacité demeure bien sûr une préoccupation quotidienne. Pour ce faire, les entreprises se tournent de plus en plus vers les services et l’automatisation basés sur le cloud pour optimiser leurs opérations.
ITIL, VeriSM ou tout autre cadre ou approche de gestion de service souhaite reste pertinent? Alors leur objectif doit être la prise en compte des nouvelles priorités des Organisations. Leur axe principal doit donc être de réorienter les organisations vers l’expérience client et de les éloigner des modèles centrés sur les systèmes ou centrés sur le service.
Les praticiens de la gestion des services IT vous diront que cela a toujours été l’objectif principal. Je ne les contredis pas. Mais il est temps de reconnaître que, dans la pratique, ce n’est pas ce qui s’est passé. Si ITIL doit rester pertinent en 2018, cela doit changer radicalement. Il n’y aura d’avenir pour ITIL qu’à cette condition.
Vous avez sûrement un avis. N’hésitez pas à nous laisser votre commentaire…
8 thoughts on “ITIL : renaissance ou dernier soupir?”
bonjour Alain,
Juste te remercier pour cette excellente publication. Depuis quelques temps j’avais en effet des questionnements sur ITIL. Le soufflet semble retomber, comme si la préoccupation n’était des DSI n’étaient plus même.
merci encore et bonnes fêtes de fin d’année.
Bonjour Bakari,
Merci pour ton commentaire.
En effet, le DSI de 2017 n’a plus du tout le même rôle qu’il y a 20 ans lorsqu’ITIL a été publié. Aujourd’hui le DSI ne doit plus être un technicien mais un business manager qui travaille de concert avec les autres membres du comité de direction à l’élaboration de la stratégie d’entreprise et aligne les objectifs de l’ITI sur les objectifs business. L’IT a enfin retrouvé la place qu’elle n’aurait jamais du quitter, celle d’un outil facilitant la création de valeur pour les dirigeants des différentes entités d’affaires.
L’informatique n’a pas vocation à offrir un service aux métiers mais à être intégrée (dans son rôle d’outil de support) aux processus métiers. ITIL est donc totalement déphasé avec les besoins actuels des entreprises qui ont besoin d’agilité et perçoivent désormais, avec raison, l’informatique organisée sur la base de processus ITIL, comme in frein à leur succès au lieu d’un facilitateur.
Cette vision a d’ailleurs été très bien rendue dans COBIT® 5 publié il y a déjà 5 ans. Il est donc urgent de repenser le périmètre et le contenu d’ITIL si AXELOS souhaite que le référentiel le plus utilisé en IT dans le monde ait un avenir et même un présent.
Merci et bonne fêtes de fin d’année également.
Bonjour et bonne année M. Alain,
Merci pour ce rapport très détaillé sur l’état actuel du référentiel encore le plus plébiscité des services IT.
Je vous suis régulièrement sur linkedin et je vous remercie une fois de plus de la qualité de vos article.
A+
Merci Maxime pour votre commentaire qui nous va droit au coeur.
Nous essayons de publier des articles originaux et sortant un peu des sentiers battus sur les bonnes pratiques et les normes en matière de Gouvernance, Management et Sécurité de l’Information.
Bien sûr nous nous nous intéressons aux leaders historiques, tels ITIL ou COBIT, mais nous regardons aussi avec beaucoup d’intérêt toutes les nouvelles publications qui apportent des avancées notables, telles que SIAM, VeriSM qui seront au centre de nos prochains articles.
Si vous souhaitez que certains thèmes soient développés, n’hésitez pas à nous laisser vos suggestions.
A bientôt sur le blog ou sur les réseaux sociaux.
Bonjour,
Votre article ne fait pas référence à des différences culturelles qui pourraient expliquer qu’ITIL ne soit pas dans sa forme actuelle adoptable partout ni aux différences internes à une entreprise entre les directions métiers qu’ITIL ne couvre pas actuellement.
En effet, ITIL a été conçu à la base pour répondre aux besoins de l’informatique d’un service public britannique et cela implique de très grosses spécificités culturelles.
Pour la France :
En France, on a du mal à parler d’ITIL au sein même des DSI car l’approche est très conceptuelle jusque dans la définition même des services. Les utilisateurs français n’aiment pas rentrer dans la notion conceptuel, pour eux, si la DSI héberge une application, ils veulent parler des cette application et pas d’un truc virtuel qui encapsulerait l’application en question. Du coup, la conception du catalogue de service devient un vrai casse tête et tout le monde fini par essayer de faire rentrer dans le concept ITIL sa façon de travailler très basique. C’est une vrai perte de temps qui fait oublier un des raisons d’être de la notion de service dans ITIL qui est de pouvoir refacturer le service ou au moins de pouvoir justifier précisément les coûts et de travailler en bonne entente avec les DAF. Quand on sait qu’en France précisément il y a une guerre froide toujours en cours entre les DAF et les DSI on comprend l’importance d’un sujet qui reste désespérément au point mort.
Toujours en France, on se rend compte qu’ITIL est très loin d’être adapté au modèle de la sous-traitance en cascade par les SSII. Lors des formations ITIL, les CP des SSII on du mal à trouver comment faire le lien avec les termes du modèle économique ou juridique qu’ils doivent respecter. Le vocabulaire ITIL lui-même pose problème. Ainsi, aller dire à une SSII française que non il ne faut pas parler de SLA en dehors de la DSI qui est en contact direct avec les utilisateurs et tout le monde va vous regarder de travers. Il est difficile de comprendre que le modèle n’ait pas évolué pour tenir compte de l’émergence des SSII.
En terme de sous-traitance toujours, ITIL préconise depuis la V3 de réduire le nombre de partenaires pour ne garder que les plus intéressants sur le plan financier. C’est peut-être génial sur le territoire britannique mais en France c’est une catastrophe. Les grosses structures finissent par rafler les marchés mais elles sont incapables de les traiter car elles n’ont pas les ressources. Les informaticiens français tiennent à une certaines libertés et passés un certain niveau ils préfèrent intégrer des structures plus petite ou basculer indépendants. Le résultat si l’on met en place les préconisation financière ITIL ce sont des coups supplémentaires pour le client final et une dévalorisation progressive des métiers de l’ingénierie informatique. Au moment de la crise des subprime, alors que ce modèle financier de gestion des prestataires s’était déployé en France, plusieurs fédérations patronales de l’ingénierie ont quand même dû appeler les petites SSII à ne plus répondre aux demandes pour ne pas se mettre en risque financier. Un modèle orienté qualité qui ne respecte pas le tissu économique local cela pose un gros problème.
Pour les États-Unis.
ITIL étant européen il n’est pratiquement pas visible aux US. Il n’y a pas eu de réels efforts pour faire adopter ITIL sur le continent américain. Pour un sujet qui concerne l’informatique c’est une erreur stratégique majeure. Bon en même temps, les standards différents selon les pays c’est un grand classique.
Maintenant cela veut dire que l’on est sans le savoir en avance en Europe par rapport aux US sur certains aspects de la gestion informatique grâce à ITIL. Il est un peu dommage de ne pas faire la promotion de cette avance dans votre article.
Sinon, le modèle économique US est surtout très orienté « consumériste » de nos jours alors que les modèles économiques européens n’ont pas tous entièrement basculés vers le consumérisme massif.
L’Agilité est nécessaire pour servir un modèle économique consumériste lorsque celui-ci est arrivé à un stade où il a saturé son marché et a du mal à déborder sur d’autres marchés. Il faut en effet mettre en œuvre un modèle de changement « progressiste » pour continuer à générer artificiellement une augmentation des performances. Le « progrès » (au sens conduite du changement), c’est un modèle de changement qui intègre la remise en cause régulière de valeurs et une forte prise de risque (aka « innovation » dans les cas extrêmes) pour faire levier. En Europe on utilise encore majoritairement les modèles de changement « croissance » ou « industrialisation » en entreprise et ceux-ci cherchent en principe à préserver les valeurs et à diminuer les risques.
Il est donc normal que les boîtes US les plus « innovantes », qui font de la communication intensives pour servir leur modèle économique, promeuvent pour leurs DSI des modèles très Agile. En fait elles n’ont pas trop le choix. En France, ce sont les les directions commerciales qui poussent le plus pour avoir de l’Agilité depuis quelques temps car elles cherchent à copier le modèle US.
Maintenant, toutes les directions et toutes les entreprises ne peuvent pas travailler selon ce modèle de gestion des valeurs. Le modèle ITIL a pour but de servir tout le monde et puis surtout à la base ce n’est pas un modèle qui est en terme de changement est « progressiste ». Un modèle qualité est par essence orienté « croissance » (par palier de maturité) et ITIL a été conçu comme un modèle qualité.
La question serait donc plutôt de faire coexister les modèles « progrès », « croissance » et « industrialisation » de manière harmonieuse au sein d’ITIL pour pouvoir satisfaire les études et les commerciaux qui veulent être Agiles sans pour autant mettre en risque la qualité des autres productions. Parce qu’il faut bien dire quand même que les modèles Agile pêchent quand même tous en terme de garantie de la qualité (on n’en parle même plus).
La Grande Bretagne
J’ai travaillé pour un groupe anglais il y a un an et ils ont poussé la DSI française à se mettre aux normes groupes … en déployant en particulier ITIL.
Nos voisins britanniques ne semblent donc pas avoir renoncé au modèle ITIL. Le coup de blues autour du marché ‘ITIL est bien réel mais aussi bien français.
Évolution des modèles qualité :
Je n’ai pas entendu parler de changement majeur pour CMMI depuis des lustres et personne n’a pour autant annoncé la fin du modèle. Pourquoi faire dans le catastrophisme pour ITIL et vouloir jeter le bébé avec l’eau du bain ?
ITIL manque de maturité opérationnelle et de soutien pour s’adapter aux évolutions des pratiques commerciales c’est un fait mais le modèle reste encore adapté pour tout ce qui est informatique de gestion et devrait même pouvoir s’adapter à l’informatique industrielle qui pointe doucement le bout de son nez et reste de façon surprenante encore très en retard.
Origine du blues autour d’ITIL en France :
On peut trouver plusieurs origines au blues autour d’ITIL en France.
– Le système de certification. Il sert à entretenir un marché spécifique dans le secteur des formations tout en polluant le déploiement du modèle pour les SSII. Les modèles ISO ont du mal à se déployer pour les mêmes raisons. La certification devrait être la cerise sur le gâteau, pas un frein à la formation et au déploiement de modèles techniques.
– L’absence de maîtrise sur les concepts « processus ». En France, les managers et les ingénieurs ne sont pas formés à la théorie des processus dans le cursus général. Résultat, dès que l’on utilise le terme tout le monde se braque. Cela complique énormément la communication sur les modèles (ITIL, PRINCE2, …) et donc la gestion commerciale des SSII.
– Les experts qualité. Ils en ont trop fait à une époque pour mettre en avant leurs expertises (surtout en terme de communication) et un modèle orienté « qualité » cela fait peur maintenant. C’est dommage car ITIL est quand même bien plus simple qu’un modèle comme CMMI.
– La guerre des GAFA. Ils poussent le modèle Cloud et son écosystème en avant pour se bouffer la laine sur le dos les uns les autres. Cela se fait au détriment de la gestion plus traditionnelle qui reste pourtant très pratiquée. Cela rend surtout tout le marché très attentiste et cela bloque les initiatives.
– Le gouvernement. Il pousse en avant le changement par l’innovation ce qui revient à soutenir au final le modèle GAFA et participe au blocage du marché. Pourtant les administrations françaises sous sa responsabilité sont très en retards dans le déploiement de pratiques qualités en interne et sont d’intéressantes consommatrices de prestation pour les SSII. Elles sont bien moins avancées pour le déploiement de pratiques que le secteur privé qui est lui-même en retard/décalage par rapport à ses besoins. Il n’y a pas d’ambition interne dans les administrations nationales pour importer des modèles qualités, à part pour le contrôle budgétaire et là ce n’est pas ITIL qui est poussé en avant par les DSI alors qu’il serait légitime. Toute l’économie pourrait bénéficier de la promotion et de l’implication dans l’évolution d’ITIL du gouvernement.
– L’Europe. Il est quand même étonnant que l’Europe n’ait pas poussé ITIL en avant après l’intégration de la GB alors que c’est le sujet était très cadré au niveau service public et que tous les autres pays auraient pu bénéficier du modèle sans avoir à payer un coût initial de recherche. Avec le BRexit, la chance de voir l’Europe promouvoir ITIL risque de se réduire fortement.
Cordialement
Bonjour,
Je trouve votre article pertinent mais quelque peu excessif dans sa condamnation du frarmework ITIL.
Je rejoins Diane qui évoque un blues latent plutôt qu’une désaffection récente. Je rejoins aussi Mr Leach lorsqu’il réaffirme la pertinence du cycle vertueux initié avec l’adoption de bonnes pratiques. Celles-ci doivent bien entendu être adaptées en fonction du niveau d’agilité requis par le business, mais il en a toujours été ainsi.
Vous indiquez que « de nombreuses Organisations mettent maintenant l’accent sur la nécessité d’investissement futur sur de nouveaux cadres plus pertinents. » Je n’ai pas à ce jour constaté une vague allant dans ce sens, mais je vous fais confiance sur ce point. Je suis curieux de voir en quoi ces nouveaux cadres s’éloigneront d’ITIL.
Et merci à Diane pour sa réflexion sur l’adoption variable des bonnes pratiques selon la culture de ceux qui s’y frottent ! C’est un point fondamental qu’on aurait tort de sous-estimer.
Bien à vous
Bonjour,
Petite information par rapport au « blues » autour du déploiement d’ITIL sur le territoire français.
Il y a 2 semaines j’ai suivi une formation sur la démarche Agile. La consultante était mexicaine d’origine et avait travaillé aux USA. Elle était donc beaucoup plus « cash » que ne l’aurait été un consultant français.
Cette consultante, qui travaille avec la démarche Agile depuis plus de 10 ans, a en particulier accepté de répondre à des questions sur les limites et les objectifs de l’Agilité. Cela la conduit à parler des processus. Et là surprise, les consultants qui déploient la démarche Agile sont à fond contre ITIL ! La formatrice s’est par exemple félicitée de savoir que la DSI Veolia avait complètement renoncé à ITIL.
Cela m’a un peu surpris au départ car pour le déploiement des processus ITIL c’est la démarche Agile qui est recommandée par les concepteurs du référentiel. Maintenant, après cette formation sur la démarche Agile je comprends mieux le pourquoi de cette guerre ouverte des Agilistes contre ITIL.
Tout d’abord, les « Agilistes » prônent l’auto-organisation des équipes, l’engagement de groupe et le renoncement à toute quête de performance individuelle. La consultante a illustré l’esprit d’équipe à acquérir en nous parlant des « Borgs » de la série Star Trek ! La démarche Agile va donc très loin dans la vision « collective » du travail et la chasse aux responsabilités individuelles..
Ensuite, ils prônent le travail en continue avec une chasse aux pics d’activité. Quand on pense à l’Agilité sans la connaître, on imagine « conduite du changement ponctuelle hyper souple et performante ». Et bien on a tout faux et il faudrait plutôt penser « changement continue » ! sauf pour la composition de l’équipe qui par contre doit rester stable dans le temps. Moralité, une équipe Agile c’est juste un « pipe » (terme architecture des processeurs) court qui traite des besoins variables et se réorganise en fonction des besoins qui tombent.
Quand on travaille en SSII sur le territoire français cette vision « Agile » du travail laisse assez perplexe. On comprend mieux pourquoi la démarche a autant de mal à se déployer en dehors des équipes de développement WEB travaillant pour les directions marketing ou commercial. En terme de culture et de pratiques on est à 1 milliard d’années lumières de la façon de travailler en France.
Maintenant, j’ai gratté un peu plus sur le sujet complexité lors de la formation. En effet, les exercices pratiques m’ont conduit à me demander si avec un produit fortement connexe ou factorisable au niveau technique on n’allait pas augmenter énormément la charge de travail par rapport à une approche classique. La première chose que l’on apprend en génie logiciel et matériel c’est en effet d’identifier les éléments factorisables pour ne les traiter qu’une fois. La démarche Agile étudiée (SCRUM) ne pouvait aboutir qu’à traiter les éléments factorisables plusieurs fois compte tenu du mode de conception et du mode de priorisation retenu. Réponse de la consultante : on ne peut pas traiter les besoins fortement connexe en Agile et par exemple, on ne doit pas gérer des projets Réseaux en Agile.
Le dernier point sur lequel j’ai un peu challengé la consultante c’est la capacité de la démarche Agile à garantir des délais et des objectifs forts. Dans la démarche Agile on ne fixe jamais les objectifs ! Maintenant dans certains projets, en particulier les projets réglementaires et à composantes immobilières ou RH, quand il y a un objectif ou un délai imposé on ne peut pas botter en touche. Donc comment traiter ce cas avec la démarche Agile ? C’est sur que la démarche traditionnelle est trop juste sur ce point et sur le terrain je travaille en faisant de la planification par le risque pour m’en sortir quand la contrainte est trop forte pour laisser le temps de sortir des plannings propres.
Réponse de la consultante Agile : « On ne peut pas traiter les projets réglementaires ou à contraintes trop fortes en Agile ». D’après elle, les Agilistes buttent en ce moment sur le déploiement de la démarche dans le secteur public français. Cela coince sur les objectifs réglementaires mais aussi et surtout sur la gestion de la sous-traitance car la démarche Agile implique de travailler avec des sous-traitant « en régie » uniquement, ce qui est totalement illégale dans le secteur public français. Ils sont donc en train de réfléchir à faire changer la loi française pour s’en sortir…
Comme je suis du genre pugnace et que parler de changer la loi pour pouvoir déployer une démarche me semble quelque peu disproportionné, j’ai fini par demander à la consultante si l’Agilité pour un simple projet, au final, cela avait du sens. Le but d’un projet c’est de répondre à des objectifs précis et non pas de modifier les pratiques des équipes impactées en profondeurs. Les clients des SSII font même de l’absence d’impact des projets sur les pratiques une exigence prioritaire en général. La consultante à répondu que si on n’était pas dans une logique de mise en place d’un vision Agile du management sur toute l’organisation il ne fallait pas déployer l’Agile pour un projet court ou à forte contrainte. Petit complément d’information qui fait froid dans le dos : Le déploiement de la démarche Agile entraîne un dérapage des charges à la hausse pendant plus d’un an le temps de stabiliser les pratiques/mentalités et si toute l’organisation ne passe pas à l’Agile, le dérapage a plutôt tendance à continuer.
Pour ce qui est de la qualité, la consultante à reconnu qu’elle avait constaté que celle-ci avait tendance à baisser avec la mise en place de l’Agilite. Normalement, la qualité est un point clé du manifeste Agile mais je n’ai rien vu dans les pratiques et exercices du cours qui permettrait de garantir la qualité du produit. Un client satisfait et des exigences qualité ce n’est pas vraiment la même chose. Et puis la responsabilité collective sur la qualité c’est un peu comme l’histoire du Saint Graal et des chevaliers de la table ronde … une très longue quête qui met tout le monde sur le genoux tout en coutant une fortune et qui se termine plutôt mal pour les heureux élus sur lesquels le destin fini par tomber pour faire une fin.
Bref, l’Agilité est très loin de la logique ITIL qui est plus dans un esprit « industrialisation du travail » et nommage de responsable nominatif ce qui explique que les Agilistes sabrent ITIL au niveau des DSI. Maintenant les modèles à processus comme ITIL et PRINCE2 ont démontré leur capacité à supporter la prise en charge des contraintes fortes ce que l’Agilité ne sait absolument pas faire.
Il est donc nécessaire de comprendre qu’il faut, en ce moment, défendre les modèles à processus comme ITIL dans les milieux francophone, et en particulier en France. Depuis quelques années la résistance au changement est forte pour déployer des modèles qualité. Il y a en effet une nouvelle génération de managers insuffisamment formés et auxquels le mot « Processus » fait peur. Ceci implique de mettre en place un accompagnement supplémentaire spécifique de type approche pédagogique qui n’aurait pas été nécessaire avec la génération précédente de managers. Maintenant en plus il y a un travail de sape effectué par la branche conseil en organisation qui est extrêmement puissante et qui va nécessité une réponse appropriée assez politique.
Il y a cependant deux petites notes d’espoir dans cette guerre de tranchée qui ne dit pas son nom entre les tenants des méthodes qualité et les Agilistes.
D’abord, et c’est paradoxalement une bonne nouvelle mais d’après la consultante Agile de la formation, DevOps fait « peur » aux Agilistes plutôt puristes. Comme il s’agit d’une approche « technique (d’ingénierie) » de l’Agilité et non d’une approche plutôt psychologique, DevOps devrait en plus séduire les études qui sont les portes étendard de l’approche Agile au sein des DSI. DevOps risque de créer quelques turbulences au sein des DSI en imposant de nouvelles pratiques mais le jeu sera quand même un peu plus équilibré et surtout jouable pour les tenants des modèles qualité à base de processus.
Ensuite, il y a un mouvement de fond depuis début 2010 autour de la gestion des tests logiciels avec à la clé de nouveaux métiers qui se mettent en place dans la branche conseil. Ce mouvement a la bonne idée de s’appuyer sur l’émergence de modèles qualité spécifiques, basés sur des standards (de même niveau que CMMI). Le mouvement semble efficace car les Agilistes ont déjà dû s’aligner et sortir des méthodes de tests compatibles avec les standards qualité. Cela veut donc dire qu’il y a un nouvel allié théorique pour le déploiement des approches processus comme ITIL au sein des DSI. Maintenant il faut que le rapprochement se fasse et je n’ai rien vu de ce côté là pour le moment. En plus le mouvement arrive avec la grosse artillerie, c’est à dire des standards, alors qu’ITIL en est resté au stade des pratiques. En plus d’un mouvement à amorcer, une « montée en gamme » de l’offre conseil autour d’ITIL va donc être nécessaire pour discuter avec ces nouveaux arrivants.
Cordialement