Ca y est enfin!! Le guide « COBIT 5 Mise en oeuvre » est désormais disponible en Français. De longues semaines d’investissement personnel de l’équipe de traduction auront été nécessaires. Il n’est jamais simple de traduire un guide de bonnes pratiques ou de mise en oeuvre. L’Anglais est une langue typiquement orientée « business » et donc assez rigoureuse. A l’opposé, le Français est une langue plus orientée vers la littérature ou la diplomatie et dans laquelle, soit les termes anglais n’ont pas d’équivalent ou, pire encore, sont le plus souvent traduits par des termes erronés (les fameux faux-amis sur lesquels tous les élèves ont trébuché pendant leur parcours scolaire).
Bon, en ce qui concerne cette publication, l’honnêteté nous impose d’admettre que ce n’est pas réellement une version Française. C’est plutôt une version Québécoise, car réalisée par l’équipe du chapitre (tiens, encore un mot qui n’a pas d’équivalent direct en Français) ISACA de Québec, avec seulement deux contributions externes, l’une d’un expert en Gouvernance de Montréal (toujours au Québec) et l’autre de votre serviteur, seul Français (encore que résident en Côte d’Ivoire) à avoir participé à la préparation de cette version Française.
Les raisons d’une absence totale de la France
Mais pourquoi donc une version Française dans laquelle aucun Français (de France) ne s’implique? La question mérite d’être posée. Les réponses sont multiples et malheureusement assez désespérantes:
- Une incompréhension totale, en France de ce que sont la Gouvernance et le Management, et donc un intérêt très faible pour le sujet,
- Une mauvaise interprétation de la notion de création de valeur, comprise uniquement comme une valeur financière et focalisée majoritairement sur une réduction des coûts,
- Un contexte légal basé sur un modèle hérité à la fois de systèmes monarchiques et « communistes » qui conduit irrémédiablement à la destruction de valeur au lieu de la création, qui ne favorise pas l’adoption du cadre COBIT,
- Des structures organisationnelles et gouvernementales ne permettant pas de séparer la gouvernance du management,
- Une culture, une éthique et des comportements inadéquats (particulièrement visibles en France en cette période électorale),
- Une gouvernance et une gestion anarchique de l’information conduisant à des excès et induisant des conséquences catastrophiques,
- Une technologie mal utilisée et mal exploitée pour la création de valeur et laissée entre les mains de techniciens et d’ingénieurs,
- Un modèle éducatif et une gestion de la formation continue déconnectés des réalités et des besoins des organisations.
Nous reviendrons plus en détail sur ces raisons avec un autre article dans les prochains jours. Cependant les lecteurs connaissant COBIT® 5 auront reconnu là des faiblesses au niveau des facilitateurs (en Anglais on les nomme « enablers » ce qui est beaucoup plus fort que facilitateur mais n’a pas de traduction littérale) d’une bonne gouvernance et d’un management efficaces qui manquent cruellement à la France.
A cela, il faut bien rajouter, mais peut-on encore leur en vouloir après ce que nous venons de dire, une absence totale de volonté de l’AFAI (chapitre Français de l’ISACA) de s’investir de quelque façon que ce soit dans la promotion de COBIT® 5 qui n’assure pas, aujourd’hui, compte tenu du modèle économique imposé par ISACA HQ, un bénéfice suffisant pour les membres Français. Or, en France, il est d’usage que la création de valeur s’évalue au niveau personnel et non au niveau d’une organisation. En d’autres termes, si je participe à ces travaux, qu’est-ce que j’y gagne personnellement?
Le marché pour une version Française des bonnes pratiques
La Francophonie compte aujourd’hui un peu moins de 280 millions de personnes dans le monde, réparties de la façon suivante (source: organisation internationale de la Francophonie)
- environ 8% en Amérique du Nord (majoritairement au Canada)
- 37% en Europe (majoritairement en France)
- près de 54% en Afrique (où la culture et les institutions sont calquées sur la France, héritage de la colonisation)
- autour de 1% dans le reste du monde.
Qu’est-ce qui fait la différence entre le Canada (ou plus précisément le Québec) et les pays francophones européens et africains? J’apporterai deux réponses:
- La culture nord-américaine fortement ancrée au Canada, intégrant les bonnes pratiques de Gouvernance et de Management largement répandues dans cette partie du monde,
- Des lois imposant l’usage de modèles intégralement francisés dans les organisations Québécoises, ce qui n’est pas le cas en Europe, ni en Afrique francophone.
Il est donc clair que l’environnement légal favorise l’adoption des bonnes pratiques décrites par COBIT 5 au Canada et qu’au contraire l’environnement local défavorise et décourage les bonnes pratiques basées sur COBIT 5 en Europe et en Afrique Francophones.
Il apparaît ainsi clairement que le marché pour une traduction Française du cadre COBIT 5 et de son guide de mise en oeuvre se situe majoritairement en Amérique du Nord. C’est donc fort logiquement que ce sont les Québécois qui font l’effort. Malheureusement, cela décourage encore un peu plus les Français d’adopter COBIT 5 et de s’appuyer sur le guide de mise en oeuvre pour lancer des initiatives d’amélioration de la Gouvernance et du Management car ils voient ces pratiques comme étant issues de la culture Américaine. De plus ils considèrent que le Québécois n’est pas le Français tel qu’il est parlé en Europe et en Afrique. Et ce n’est pas faux…
COBIT 5 Mise en Oeuvre – Juste une référence indispensable
La publication de la version française du guide de mise en oeuvre vient complèter le référentiel et le modèle de référence des processus COBIT 5 déjà traduits par la même équipe qu’il convient de féliciter pour leur excellent travail.
Toutefois, il faut bien rappeler que ce guide ne décrit pas la mise en oeuvre du cadre de gouvernance et de management COBIT 5 mais la mise en oeuvre des sept facilitateurs soutenant la gouvernance et management de l’information dans l’Entreprise. Il s’agit en fait de la méthodologie extrêmement efficace et efficiente de gestion d’un programme de mise en oeuvre ou d’amélioration continue, décrite par COBIT et basée sur trois composants hérités des normes et bonnes pratiques du marché :
- l’amélioration continue en sept étapes (similaire à ITIL)
- la facilitation du changement (héritée des bonnes pratiques de Change Management)
- la gestion de programme et de projets (issue de PRINCE2, PMBok et M_o_P)
Gageons que la version Française du guide de mise en oeuvre sera une aide efficace pour les utilisateurs francophones et sera un réel succès.