Le terme de transformation numérique se retrouve dans tous les médias. Cela fait partie de ces expressions que tout le monde utilise désormais, à toutes les occasions mais sans jamais en donner une vraie signification. Ce qui est clair, c’est que quelque chose d’important se passe aujourd’hui dans la façon dont la technologie est utilisée par les grandes entreprises. C’est un changement qui semble avoir quelque chose à voir avec la technologie numérique, les méthodes de travail numériques et l’importance croissante des interactions numériques dans nos vies. La transformation numérique est le nom que nous donnons à ce vague complexe de choses dont toutes les entreprises savent aujourd’hui qu’elles doivent l’affronter. Cependant le terme signifie tant de choses différentes qu’il est difficile de construire une véritable stratégie de transformation.
A défaut de donner une définition viable nous allons essayer de comprendre en quoi consiste la transformation numérique. Pour cela, je vous propose d’identifier quelques pistes qui nous aideront à mieux appréhender et réussir un programme de transformation numérique sous ses divers aspects. Je vais explorer huit pistes, correspondant aux différentes perspectives selon lesquelles il faut aborder la transformation numérique. Dans ce premier article, nous allons suivre les quatre premières d’entre elles. Les quatre suivantes feront l’object d’un prochain article.
1. Gagner en vitesse
Commençons pas un constat
A bien des égards, l’entreprise du 21ème siècle se retrouve dans un environnement hautement dynamique. Les défis pour les entreprises existantes apparaissent de plus en plus rapidement. Et la rapidité de mise sur le marché des nouveaux produits ou des caractéristiques nouvelles des produits s’accélère. En effet, la concurrence évolue de plus en plus vite. Les attentes des clients évoluent également à un rythme très rapide. Les situations géopolitiques changent souvent. Des pandémies et des guerres commerciales émergent quotidiennement et doivent être combattues. Tout cela c’est le quotidien des entreprises du 21e siècle.
L’entreprise doit donc être capable de se transformer rapidement pour faire face à ces challenges. Mais il y a une autre raison pour laquelle la vitesse d’évolution est importante. En effet, ces dernières années nous ont enseigné que nous pouvons la mettre à profit pour améliorer la qualité, la sécurité, la stabilité, la fiabilité, les contrôles financiers et l’innovation. C’est un bouleversement de notre façon de penser. Mais cela découle de l’idée d’une boucle de rétroaction et d’un ajustement rapides. C’est ce que prône, depuis les années 2000, la philosophie dite « Agile ».
L’innovation est ainsi accrue car nous pouvons rapidement essayer de nouvelles idées plausibles, à faible risque et à faible coût, en utilisant le cloud et DevOps. Ensuite, en fonction de ce que nous apprenons, nous pouvons reproduire, rejeter ou modifier l’idée originale. Le contrôle financier, de même, est amélioré. En effet, au lieu de prendre de gros risques basés sur toutes les incertitudes d’une analyse de rentabilité à long terme, nous pouvons maintenant faire de petits investissements incrémentaux et voir les résultats de chacun avant de faire l’investissement suivant.
Une évolution s’impose
La vitesse améliore aussi la sécurité car nous pouvons réagir plus rapidement aux changements dans le paysage des menaces. De plus, nous pouvons, rapidement et à peu de frais, tester nos systèmes au fur et à mesure de leur conception et après leur déploiement. Il en va de même pour la stabilité et la résilience. Nous vivions dans un monde où nous atténuions les risques grâce à une planification préalable détaillée. Celle-ci n’a d’ailleurs jamais vraiment bien fonctionné en informatique. AUjourd’hui nous passons à un monde où nous atténuons les risques grâce à l’agilité et la rapidité, avec de petits investissements et des retours rapides.
Pour les entreprises, cela nécessite un profond changement d’orientation. Pour la plupart d’entre nous, nous avons misé sur la fiabilité et la stabilité. Nous avons donc optimisé nos activités pour des changements peu fréquents et bien planifiés. L’objectif était d’optimiser les risques. Le modèle d’aujourd’hui optimise tout autant les risques (plus, en fait), mais exige que nous nous préparions à agir rapidement. Cela signifie un changement dans la façon dont nous gouvernons et supervisons, sélectionnons les investissements, concevons des architectures techniques et planifions les initiatives.
2. Utilisation accrue de la technologie numérique
Une autre façon de penser la transformation numérique est l’introduction de certaines nouvelles technologies qui élargissent largement la portée de ce que nous pouvons attendre de nos systèmes. Ces nouvelles technologies offrent non seulement de nouvelles opportunités de croissance des revenus et de réduction des coûts, mais elles influencent également ce que les clients attendent et ce à quoi les concurrents ont accès.
Une véritable révolution technologique
La transformation la plus profonde aujourd’hui provient peut-être de l’intelligence artificielle. L’apprentissage automatique (ML ou Machine Learning) existe depuis cinq ou six décennies. Mais ce n’est que récemment qu’il est devenu utilisable pour une utilisation commerciale généralisée. Ceci est le résultat de l’utilisations de processeurs plus rapides et d’algorithmes améliorés. C’est une évolution importante car cela élargit considérablement ce que nous pouvons faire grâce à la technologie. En programmation traditionnelle, le programmeur doit spécifier, en détail, exactement ce que l’ordinateur doit faire. De nombreux domaines étaient jusqu’alors tout simplement trop complexes pour la programmation traditionnelle. Aujourd’hui, ils sont désormais accessibles en guidant la machine qui est seule dans l’apprentissage.
Ce n’est pas seulement que le ML est devenu plus utilisable, c’est aussi qu’il a été démocratisé. Cela signifie qu’il est désormais plus facilement à la portée de toute entreprise. Jusqu’à récemment, une entreprise aurait dû embaucher des experts difficiles à trouver en ML. Aujourd’hui, des services en ligne (tels que les Amazon Web Services par exemple) ont rendu les modèles de ML facilement disponibles dans le cloud pour tout le monde. Même les personnes sans aucune expérience sur le domaine peuvent y accéder. Les modèles et outils pré-formés évitent de nombreuses complexités du ML. Les organisations peuvent créer des prototypes rapidement. Et comme les coûts du cloud dépendent du volume d’utilisation, ces prototypes sont également relativement abordables. Démarrer avec le ML présente désormais un faible risque et s’avère rapide et peu coûteux.
Une évolution constante dans la façon de travailler
D’autres technologies qui n’étaient accessibles qu’à quelques privilégiés sont désormais courantes dans les entreprises, comme la réalité virtuelle et augmentée, et les services logiciels pour gérer les capteurs et les robots connectés ou la blockchain. Une vaste gamme de nouvelles analyses est possible, car la technologie nous permet désormais de traiter plus facilement de grandes quantités de données, des données non structurées telles que des images, des vidéos, du texte en langage naturel et des données de flux temporel. De nouveaux dispositifs rendent possibles les interactions vocales avec les clients.
Ainsi, dans ce contexte, la transformation consiste à utiliser ces nouveaux outils de manière nouvelle pour obtenir des résultats commerciaux. Parce qu’ils sont nouveaux, l’utilisation de ces outils nécessite de la créativité et du leadership. Cela implique également de nouvelles façons de penser pour résoudre les problèmes et concevoir des systèmes. Mais c’est aujourd’hui devenu un impératif. Les entreprises qui ne peuvent pas ou ne veulent pas utiliser ces nouveaux outils sont susceptibles d’être dépassées rapidement par ceux qui le peuvent et le veulent . D’ailleurs, elles le sont déjà. Et ce n’est pas un phénomène ponctuel. Chaque entreprise doit apprendre à rechercher en permanence de nouvelles technologies et à les appliquer de manière stratégique, car il est peu probable que le rythme de l’innovation ralentisse.
3. Interaction digitale
Un autre aspect de la transformation numérique consiste à apprendre à interagir numériquement. Cela s’applique en particulier aux relations avec les clients. Mais sont également concernées les relations avec les fournisseurs, les régulateurs et les influenceurs sur les réseaux sociaux. Les clients ont changé. Ils attendent désormais des services numériques et ils ont mis la barre haute. Ils recherchent des moyens flexibles, orientés services et sans friction pour faire avancer les choses. Et ils devraient pouvoir le faire, pour la plupart, à partir de leurs téléphones et autres appareils connectés. Une grande partie de leur temps est consacrée à interagir en ligne avec des entreprises très orientées services qui innovent constamment de nouveaux modes d’interaction conviviaux. A défaut, cela provoque de la frustration et disqualifie rapidement une entreprise alors considérée comme dépassée.
Un challenge incontournable
Les entreprises, pour leur part, ont constaté que les interactions numériques peuvent leur apporter d’autres avantages substantiels. Elles peuvent collecter des données sur les clients et leur comportement, stimuler le comportement d’achat, réduire les coûts. Elle peuvent aussi essayer de nouvelles idées moins chères qu’avec des interactions humaines.
Mais les interactions numériques sont assez différentes des interactions humaines. Et encore une fois, un changement dans les modèles de pensée est nécessaire. Les clients s’attendent à ce que ces interactions numériques fassent partie, sans effort, de leur mode de vie. Vos interactions avec eux se produisent au moment et à l’endroit de leur choix. Traditionnellement, les systèmes d’information permettent surtout de fournir des outils aux employés. C’est totalement différent de servir les clients grâce à la technologie. Vous pouvez former vos employés, mais vous ne pouvez pas former les clients. Vos collaborateurs supporteront facilement certains désagréments. Par contre, s’il rencontrent trop d’obstacles, vos clients passeront simplement à la concurrence.
4. La transformation numérique s’appuie sur la focalisation sur le client
Les produits traditionnels ont été conçus sous les auspices d’un chef de produit. Celui-ci a pris l’avis du marché et l’a combiné avec le jugement, l’expérience, la stratégie produit de l’entreprise et une pincée de poudre magique de perlimpinpin pour proposer un nouveau produit, qui devrait réussir. Ou bien, qui échouerait sur son marché.
Dans le monde numérique, nous co-créons essentiellement nos produits et leurs fonctionnalités avec les clients. Nous utilisons des produits viables minimum pour évaluer l’intérêt des clients. Ensuite nous peaufinons le produit par itérations rapides, en recueillant des commentaires sur la façon dont les clients réagissent pour continuer à faire évoluer le produit. L’objectif est de traiter toutes les idées que nous avons – peu importe notre expérience sur le marché, le niveau de la personne qui a pensé à l’idée dans l’organisation, ou le degré de justesse de l’idée. Toute hypothèse doit être testée avec les clients.
Certes, les entreprises se sont considérées comme centrées sur le client dans le passé. Mais le monde numérique est différent. Une entreprise connaissant le numérique travaille à partir d’un besoin client . Et elle teste en permanence pour voir si elle répond à ce besoin. Celui qui gagne, c’est celui qui répond le mieux au besoin du client. Bien sûr, le prix fait partie du besoin du client. La bonne nouvelle, c’est qu’à l’ère du numérique, il est possible d’apprendre rapidement des clients en utilisant un modèle rapide et itératif.
Pas de transformation numérique sans transformation culturelle
Le grand changement de mentalité dans ce mode de pensée est l’accent mis sur l’apprentissage des clients. Il ne s’agit pas seulement de leur demander leur avis, mais d’essayer des choses et de mesurer leur impact.
Ce changement du mode de pensée doit donc se traduire dans les cultures d’entreprise, et par exemple dans :
- de nouveaux modes d’organisation : des processus plus horizontaux, plus responsabilisants, des prises de décision moins complexes, la prise d’initiatives encouragées
- un désilotage des projets et des équipes.
- une augmentation du sens au travail
Comme à l’habitude, vos commentaires sont bienvenus. N’hésitez pas à donner votre avis et vos commentaires en attendant mon prochain article 8 pistes pour une transformation numérique gagnante (partie 2).