Dans mon précédent article sur la bonne gouvernance, j’ai décrit un organe clé qu’est le Conseil d’Administration. Il joue un rôle moteur mais il est loin d’être le seul à garantir une bonne gouvernance. Il s’agit là d’une vue extrêmement simpliste. En fait, il existe plusieurs structures organisationnelles qui participent à la gouvernance d’une entreprise. Le défi consiste donc à déterminer où elles se trouvent, pourquoi elles existent, ce qu’elles font et quelle valeur elles apportent à votre organisation. C’est ce que nous allons essayer d’expliquer dans ce second article consacré à l’organisation nécessaire à une « bonne gouvernance ».
Nous l’avons déjà dit dans le précédent article, il n’existe pas de modèle prédéfini et générique qui puisse être utilisé dans toutes les entreprises. Chaque organisation est unique. Il vous revient donc de définir les structures de gouvernance nécessaires à votre cas particulier.
Structures de gouvernance et de management
Les organisations comportent généralement plusieurs organes directeurs. Celles-ci se positionnent à tous les niveaux de l’entreprise. Elles commencent au sommet et descendent jusqu’à ce que j’appellerai la vue de la rue. Elles peuvent inclure des organes formels ou des groupes temporaires chargés d’un domaine d’intervention spécifique pendant une durée déterminée. Bien sûr, le conseil d’administration reçoit et diffuse de l’information par l’intermédiaire de comités, mais une structure de gouvernance ne se résume pas à de simples comités qui relèvent du C.A..
Les entreprises ont une énorme quantité de comités, de conseils et de groupes chargés de gouverner quelque chose. Le problème, c’est que si toutes ces assemblées sont des structures de gouvernance, toutes ne se comportent pas comme des organes de gouvernance. Souvent même, elles ne comprennent pas la distinction entre gouvernance et management.
Revenons quelques instants sur le rôle de la gouvernance au sein de l’entreprise.
La gouvernance fixe les règles et les limites de la portée dans laquelle elles sont chargées de gouverner. Le management, quant à lui, planifie, élabore, gère et surveille les processus, les pratiques et les activités nécessaires pour mettre en œuvre les orientations fournies par les organes de gouvernance.
Exemple tiré de la vraie vie
Les exemples de ces organes de gouvernance sont nombreux. La liste est longue. On y trouve notamment les comités exécutifs, comités d’architecture, comités des risques et d’audit, comités de pilotage (informatique, programme, projet), comités consultatifs du changement (le « fameux » CAB), etc.. Chacun de ces organes de gouvernance fixe les règles et les orientations pour le management chargé de mettre en œuvre ses décisions.
Et c’est là qu’il y a souvent un conflit d’intérêt. Je peux être membre d’une (ou de plusieurs) structures de gouvernance au sein desquelles je participe à la détermination des règles et des limites. Or, dans le même temps, je suis également en charge de mettre en oeuvre et de respecter ces mêmes règles que je viens d’approuver.
Dans la pratique, en tant que manager, je peux donc faire partie de plusieurs organes de gouvernance. Or, dans certains cas, ils se contredisent. Par conséquent, dans mon «travail quotidien», je dois arbitrer moi-même les directives que je suis censé suivre. Il y a donc des conflits d’intérêts évidents. Et cela engendre des risques et un gaspillage des ressources pour l’organisation.
Une gouvernance morcelée
Prenons un exemple récent. J’ai travaillé avec une organisation implantée dans le monde entier qui m’a demandé d’évaluer sa gouvernance. Mon premier objectif a consisté à me pencher sur les organes de gouvernance de cette entreprise.
Et voici un aperçu de ce que j’ai trouvé:
- plus de 30 comités au niveau global (en augmentation de 30% au cours des 12 derniers mois)
- Plus de 80% de ces organes directeurs n’avaient pas de charte écrite
- Près de 50% d’entre eux ont créé des politiques qui enfreignaient les politiques d’autres comités
- Plus d’un tiers étaient jugés inutiles par leurs membres
- Un quart d’entre eux étaient «ad hoc» et ce depuis plus de 2 ans
- 20% ne résolvaient plus les problèmes auxquels ils étaient initialement destinés
- Pour 50% d’entre eux, ils étaient considérés comme une «perte de temps» par leurs membres
- Enfin 23% des membres de ces comités m’ont affirmé ne pas avoir suivi les règles qu’ils avaient approuvées dans les comités auxquels ils siégeaient.
Et le plus beau, c’est que… cette même organisation a évalué ses pratiques de gouvernance au niveau de maturité 4.
7 principes directeurs pour vos structures de gouvernance
Maintenant que nous avons recensé les problèmes, passons aux suggestions. Je vous propose 7 principes directeurs qui devraient guider vos structures de gouvernance.
1. Où que vous soyez dans une organisation, il y a toujours un organe de gouvernance (ou plusieurs) qui guident vos actions.
Aucune organisation ou personne ne peut gérer ses opérations sans règles. Quels sont les organes de gouvernance qui guident vos décisions? Par exemple, si vous êtes le DSI d’une très grande organisation, il y aurait deux organes de gouvernance qui devraient guider vos décisions de management: le conseil d’administration et le comité de direction. Maintenant, imaginons que vous soyez un nouveau chef de projet dans la même organisation. Quels sont vos organes de gouvernance? Le conseil d’administration? Le comité de direction? Probablement pas. En tant que chef de projet, vos organes de gouvernance seraient probablement du type d’un comité de pilotage de projet ou d’un comité de suivi.
2. Essayez de recenser tous les organes de gouvernance de votre organisation et comprenez les relations qui existent entre eux
Essayons d’interpréter les statistiques ci-dessus concernant mon client. Des comités, des conseils d’administration et des organes décisionnels sont régulièrement créés et ne sont ni documentés, ni contrôlés, ni gouvernés. Contribuez à la création de valeur par votre entreprise et identifiez tous ces organes. Vous pourriez constater que vous avez des redondances, une mauvaise utilisation des ressources ou pire, un gaspillage de ressources, de temps et d’efforts précieux.
Idéalement, les groupes, les rôles et les membres du conseil et des comités devraient être gérés dans un système semblable aux groupes d’affectation pour diriger les plates-formes de services. L’utilisation d’un système commun permet de répertorier les groupes, les relations, de gérer les chartes, les ordres du jour des réunions et les procès-verbaux. Et, en cas de besoin, les objectifs, les décisions et les escalades hiérarchiques en cascade.
3. Formalisez une charte pour CHAQUE organe décisionnel de votre organisation.
Cela permettra aux membres de ces différentes structures de mieux comprendre leur rôle dans la gouvernance
Les objectifs des structures organisationnelles incluent des mandats appropriés, des principes de fonctionnement bien définis et l’application de bonnes pratiques. Les résultats appropriées devraient inclure un certain nombre de bonnes activités et décisions. Au minimum, pour chacun de vos organes de gouvernance il convient d’identifier les éléments suivants:
- Nom, finalité de la structure et objectifs
- Principes de fonctionnement – Les dispositions pratiques concernant son fonctionnement, telles que la fréquence des réunions, la documentation et les règles de gestion
- Intrants et extrants de la structure: les éléments fournis et ceux produits (politiques, directives, etc.)
- Composition / appartenance: les structures sont composées de membres, qui sont des parties prenantes internes ou externes et leurs rôles
- Étendue du pouvoir: limites des droits de décision de la structure organisationnelle
- Niveau d’autorité / droits de décision: les décisions que la structure est autorisée à prendre
- Délégation d’autorité: chaque structure peut déléguer (un sous-ensemble de) ses droits de décision à d’autres structures relevant d’elle
- Procédures d’escalade: le chemin d’escalade d’une structure décrit les actions requises en cas de problèmes lors de la prise de décisions.
5. Revoir régulièrement la composition de chaque organe de gouvernance avec les rôles et responsabilités des participants pour éliminer les conflits d’intérêt
L’organisation d’une entreprise est dynamique et change au fil du temps. Il est donc indispensable de faire une revue régulière des comités existants et de leur composition. Cela permet de s’assurer que leurs membres sont toujours bien à leur place. Mais cela permet surtout de vérifier que suite à des changements organisationnels, une même personne ne peut pas cumuler une responsabilité de gouvernance et de management. On évitera ainsi tout conflit d’intérêt potentiel.
6. Évaluez périodiquement la contribution de valeur de chaque organe de gouvernance
La créations de comités temporaires est possible. Cependant, il est nécessaire d’être clair sur leurs chartes. Il y a un cycle de vie pour un comité. Il est créé, existe, est ajusté et peut finalement être dissout lorsque sa valeur n’est plus démontrée. Par conséquent, charte doit clairement indiquer quand sa contribution à la valeur est terminée.
7. Évaluez le niveau de maturité de vos structures organisationnelles
Ne pensez pas que seuls les processus peuvent être évalués. Les structures organisationnelles sont des éléments clés de votre gouvernance et peuvent être évaluées. Dans un prochain article, je vous parlerai de l’évaluation des composants de gouvernances qui ne sont pas des processus.
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